La Mémoire Longue

Si, comme pour tous les fromages de Brie, l’origine du brie provinois est mal connue et remonte sans doute avant l’invasion romaine, il est pourtant le brie dont il existe la première trace écrite ce qui lui confère le statut d’héritier des plus anciens et de plus originaux des bries.

En effet, ce n’est qu’en 1814 que le prince Metternich prononça le célèbre « Prince des fromages et premier des desserts » et si l’histoire a retenu l’illustre phrase, il convient de rappeler que c’est un brie produit par le Sieur Baulny, de la ferme d’Estourville, prés de Villeroy, qui fût servi par Talleyrand à l’occasion du congrès de Vienne.

Six siècles plus tôt, les « Casei Brienses » de Provino (ou de Proviniso) étaient déjà vendues sur les foires de la riche citée médiévale ; en ce début de XIIIème siècle, la situation géographique de Provins, à la croisée des routes commerciales d’Europe, en fit l’une des plus importantes villes de France et favorisa la réputation de ses bries déjà en renom à l’époque. En effet, la région étant riche de pâturages, chaque fermier possédait son cheptel et fabriquait ses propres fromages sous des appellations et des formes locales hétéroclites qui toutes ont disparues au gré des siècles.

En 1862, dans son opuscule : Fragments de comptes du XIIIème siècle, Félix Bourquelot exhume plusieurs fragments de comptes de dépenses manuscrits à la charge de la Comtesse de Champagne et de Brie, Blanche de Navarre, pour des dépenses faites « extra curias », c’est  dire hors les lieux où les comtes de Champagne et de Brie tenaient leur cour : Expense comunes facte pro domina , extra curias. Expensia Compoto. « Gervasii , de Nundinis sancti Johannis et Nundinis sancti Aygulphi, anno XVII : pro dicentis Casei missis ad Ragem-1.XXII.S ».

Ces documents en latin médiéval, premières traces écrites de l’existence de bries dans la proche région de Provins, nous offrent de précieux renseignements concernant les bries envoyés au début de l’été 1217 par Blanche de Navarre au Roy de France Philippe Auguste.

En effet, il s’agit bien d’un « compte hors cours, déposé près le receveur principal des foires de Provins, pour des dépenses faites aux foires de Saint-Jean et de Saint-Ayoul, en l’an de grâce 1217, par le comptable en second et changeur, Gervais Le Art (…) porté au compte de la Comtesse Blanche de Navarre, pour deux cents fromages de brie envoyées vers le Roy, et achetés une livre douze sous les deux cents »… chacun valant exactement 1 denier de Provins 1 obole 1 pite 68/100… soit environ 7 fromages pour 1 sou.

La semaine nécessaire pour rallier à l’époque Provins à la Cour du Roy, imposa sans doute aux illustres ancêtres du Brie de Provins® de voyager écroutés et plongés dans des jarres de saumure ou en robe de chambre de paille humide.

Rappelons que Blanche de Navarre, veuve de Thibault III, et mère de Thibault IV dit « le Chansonnier » (qui donnera naissance à La Rose de Provins en y ramenant la rose de Damas à son retour de la VIème croisade en 1240), envoyait cette cargaison de « Casei » de Provino, vers le Roy Philippe Auguste, probablement en remerciement de sa bienveillance et de son soutien dans le conflit qu’il l’opposait depuis le début du XIIIème siècle à Philippine de Champagne, femme d’Érard de Brienne, Seigneur de Ramerupt, pour « la possession tranquille du comté de champagne ».

Si les fromages de 1217 n’avaient sans doute aucune similarité gustative avec le Brie de Provins® créé en 1979, il n’en est pas moins que l’histoire du Brie de Provins® plonge ses racines dans l’histoire médiévale des bries de Blanche de Navarre, ce qui lui confère le statut envié d’héritier des plus anciens et plus originaux des bries.

En effet, même si avec la Renaissance et la disparition des foires de Provins le rayonnement des bries provinois se restreint au pays briard et au proche ouest de la Champagne, on suit néanmoins leurs traces jusqu’au milieu du 19ème siècle, notamment à l’Abbaye de Jouy, à Chenoise, dont la production s’élevait alors à 7000 « fromaiges de Brye » par an.

Brie de ProvinsEn 1872, la totalité des bries produit dans la région de Provins s’élevait à près de 500 000 unités par année jusqu’à ce que la mutation de la Brie Champenoise aux cultures sucrières et céréalières provoque leur extinction.

Les bries du terroir provinois disparaissent jusqu'au début des années 80 où, à l’initiative de Jean WEISSGERBER et avec le concours de Jean BRAURE, fromager à Provins, le Brie de Provins® est créé.

D’anciens moules sont retrouvés dans les vestiges de la laiterie de l’Abbaye de Jouy, un cahier des charges de fabrication est établi et c’est avec le concours d’Alain PEYREFITTE, alors maire de Provins, que le 12 juillet 1981, le Brie de Provins® fait une arrivée remarquée sur les étales des grands fromagers et sur les tables françaises.





En 1985, Pierre Androuet, le légendaire Maître Fromager, sacre définitivement le Brie de Provins® en le référençant dans sa bible « Le Brie ».

Depuis, le Brie de Provins® a été régulièrement produit et figure à la carte des plus grandes maisons.

Brie de ProvinsAvec l’inscription de Provins au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2005, le Brie de Provins® a piqué la curiosité des médias étrangers et provoqué l’engouement de nombreux visiteurs venus du monde entier. Il a ainsi été référencé parmi les meilleurs fromages français au Japon, aux États-Unis, en Russie, etc…

En 2010, le Brie de Provins® renait une seconde fois en revenant aux origines d’une agriculture traditionnelle soucieuse de l'environnement et du développement durable.


Brie de Provins